En mai 1968, j’avais quarante-cinq ans et j’avais déjà derrière moi vingt et trois années de militantisme syndical et politique (bien que j’aie toujours renié le titre de militant, refusant le sens classique de ce mot d’œuvrer ardemment pour une cause politique précise). À la fois, j’étais animateur d’un groupe d’opposition syndicale dans la boîte où je travaillais depuis 1945, et en partie animateur du groupe de travailleurs Informations correspondances ouvrières, ICO (issu du groupe Socialisme ou barbarie), guère plus sur Paris d’une vingtaine de travailleurs. Dès les premiers jours de mai 68, ICO s’était soudainement gonflé d’un afflux de près d’une centaine de sympathisants, principalement des étudiants et des intellos. Tout cela est une autre histoire et contrairement à bien de ceux qui, tous à la retraite, tentent de mettre sur le papier les faits et méfaits de leur jeunesse d’alors, je n’écrirai rien sur ce que fut « mon » mai 68, sauf les quelques notes qui suivent. Qu’apporterait de plus ce qui ferait un gros livre de mes propres souvenirs évoqués à travers une mémoire défaillante qu’aucun de ceux qui m’accompagnèrent dans cette galère d’un grand mois ne pourrait corriger car ou ils ont disparu, ou n’en sont plus capables, ou s’en fichent éperdument (et ils ont bien raison). {…}
Michael Seidman précise que ses recherches (1) ont montré que les actes de sabotage furent relativement mineurs et très spécifiques. Nous nous en rendîmes compte quand nous avons envisagé des coops; piquer tous les dossiers du bureau du personnel pour les distribuer à chaque employé, saboter l’imposant ordinateur central (ce qui était facile). Mais nous nous aperçûmes que tous les secteurs sensibles étaient bien gardés nuit et jour par des sortes de milices syndicales et que, faute d’un mouvement de masse, toute action de commando était condamnée. {…}
(1) Michael Seidman
http://www.echangesetmouvement.fr/2018/06/mai-68-modeste-ou-mythique/